Impact de la réglementation RE2020 sur la conception des systèmes CVC : entre performance énergétique et qualité de l’air intérieur

Impact de la réglementation RE2020 sur la conception des systèmes CVC : entre performance énergétique et qualité de l’air intérieur

La réglementation environnementale RE2020 bouleverse en profondeur la manière de concevoir les systèmes CVC (chauffage, ventilation, climatisation) dans les logements neufs. Elle ne se contente plus d’exiger des bâtiments peu énergivores : elle impose aussi de limiter l’empreinte carbone tout en assurant un bon confort thermique et une qualité de l’air intérieur satisfaisante. Pour les concepteurs, maîtres d’ouvrage et occupants, l’enjeu est désormais de trouver un véritable équilibre entre performance énergétique et santé dans l’habitat.

RE2020 : une réglementation ambitieuse qui change la donne

Entrée en vigueur pour les logements neufs en 2022, la RE2020 succède à la RT2012 avec des objectifs plus larges. Elle ne se limite plus à la seule performance énergétique, mais intègre aussi :

  • La réduction des consommations d’énergie primaire, notamment celles issues des énergies fossiles.
  • La diminution des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment.
  • La prise en compte du confort d’été, même en cas d’épisodes de canicule.

Pour y parvenir, la RE2020 s’appuie sur plusieurs indicateurs clés :

  • Bbio : besoin bioclimatique, qui mesure la performance intrinsèque de l’enveloppe (isolation, inertie, apports solaires, etc.).
  • Cep, nr : consommation d’énergie primaire non renouvelable.
  • IC énergie et IC construction : impacts carbone de l’exploitation des systèmes énergétiques et des matériaux de construction.
  • DH : indicateur de confort d’été, pour limiter la surchauffe.

Ces exigences ont un impact direct sur le choix et la conception des systèmes CVC, qui doivent être à la fois sobres, peu carbonés, durables et compatibles avec un air intérieur sain.

Fin programmée du chauffage fossile et essor des systèmes bas carbone

La RE2020 rend l’usage des énergies fossiles, comme le gaz, très défavorable dans les calculs réglementaires. Les systèmes CVC doivent donc se tourner vers des solutions :

  • Basées sur les énergies renouvelables (pompes à chaleur, solaire thermique, biomasse).
  • Électriques performantes, valorisant un mix énergétique de plus en plus décarboné.
  • Capables de limiter les appoints énergétiques en période de grand froid ou de forte chaleur.

Les systèmes les plus favorisés dans le logement neuf sont, par exemple :

  • La pompe à chaleur air/eau ou air/air, couplée à un plancher chauffant ou à des ventilo-convecteurs.
  • Les systèmes hybrides combinant PAC et résistance électrique d’appoint, à gestion intelligente.
  • Les chauffages bois performants (poêles, chaudières granulés) dans une logique de décarbonation.
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Mais au-delà de la performance énergétique pure, ces équipements doivent s’intégrer dans une conception globale qui préserve la qualité de l’air intérieur : limitation des émissions de polluants de combustion, gestion des débits d’air, filtration, entretien facilité.

Ventilation : pierre angulaire de la qualité de l’air intérieur sous RE2020

La qualité de l’air intérieur est au cœur de la notion de maison saine. Or, un bâtiment très bien isolé et très étanche à l’air, comme l’impose la RE2020, est particulièrement sensible aux défauts de ventilation. Les systèmes CVC doivent donc assurer :

  • Un renouvellement d’air suffisant pour évacuer l’humidité, le CO₂ et les COV (composés organiques volatils).
  • Une maîtrise des débits pour limiter les pertes de chaleur et les surconsommations.
  • Une filtration adaptée pour réduire les pollens, particules fines et autres polluants extérieurs.

Dans ce contexte, plusieurs typologies de systèmes se distinguent :

  • VMC simple flux hygroréglable : encore très répandue, elle adapte les débits à l’humidité intérieure. Elle reste simple et peu coûteuse, mais ne récupère pas la chaleur de l’air extrait.
  • VMC double flux : plus performante, elle récupère une grande partie de la chaleur de l’air extrait pour réchauffer l’air neuf entrant. Elle permet de réduire les pertes de chaleur tout en garantissant un renouvellement constant de l’air.
  • Ventilation modulée sur les besoins, pilotée par des capteurs (CO₂, COV, humidité) permettant d’ajuster plus finement les débits d’air en fonction de l’occupation réelle.

La RE2020 ne se contente pas d’encourager la ventilation mécanique performante ; elle pousse aussi à une meilleure qualité de mise en œuvre : étanchéité des réseaux, limitation des fuites, acoustique maîtrisée, accès aux bouches et filtres pour l’entretien. Ces aspects sont essentiels pour éviter les surconsommations et garantir un air intérieur réellement sain.

Confort d’été : climatisation raisonnée et solutions passives

Avec le changement climatique, la RE2020 introduit l’indicateur DH pour évaluer le risque de surchauffe. Cette exigence impacte fortement la conception des systèmes de froid et de climatisation. L’objectif est double :

  • Limiter le recours systématique à la climatisation, très énergivore si elle est mal dimensionnée ou mal utilisée.
  • Favoriser les solutions passives et les systèmes CVC réversibles, bien intégrés au bâti.

Dans une maison saine RE2020, la stratégie de confort d’été repose sur plusieurs piliers :

  • Protection solaire (brise-soleil, volets, stores extérieurs) pour limiter les apports de chaleur.
  • Inertie thermique et conception bioclimatique pour lisser les variations de température.
  • Ventilation nocturne, naturelle ou mécanique, pour évacuer la chaleur accumulée.
  • Utilisation raisonnée de pompes à chaleur réversibles ou de systèmes de rafraîchissement, dimensionnés au plus juste.
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Un système CVC performant n’est donc pas seulement efficace en hiver ; il doit aussi contribuer à maintenir un bon confort d’été sans dégrader le bilan énergétique ni la qualité de l’air intérieur (risque de chocs thermiques, d’air trop sec, de recirculation de polluants).

Qualité de l’air intérieur : un enjeu sanitaire à intégrer dès la conception

La RE2020 n’impose pas encore d’indicateurs chiffrés de qualité de l’air intérieur dans le calcul réglementaire, mais elle crée un contexte propice à la prise en compte de cet enjeu dès la phase de conception. Dans une maison saine, les systèmes CVC doivent donc intégrer plusieurs dimensions :

  • Filtration de l’air neuf : choix de filtres adaptés (F7, F9, voire HEPA pour certains usages) afin de limiter les particules fines et allergènes.
  • Matériaux et réseaux faibles émetteurs : limiter les COV émis par les conduits, joints, colles, ou certains appareils.
  • Éviter les polluants de combustion à l’intérieur (appareils à gaz non étanches, foyers ouverts, etc.).
  • Prévoir l’accès facile aux éléments d’entretien (filtres, bouches, échangeurs) pour garantir une ventilation performante dans la durée.

De plus en plus, des solutions connectées viennent compléter le dispositif : sondes de CO₂ dans les pièces principales, capteurs de particules fines ou de COV, interfaces domotiques permettant de visualiser la qualité de l’air et d’agir sur la ventilation en temps réel.

Concilier performance énergétique et air sain : un équilibre délicat

L’un des risques d’une approche uniquement axée sur la performance énergétique serait de sous-ventiler les logements pour réduire les déperditions et les consommations. La RE2020, en renforçant encore l’isolation et l’étanchéité, rend cette question particulièrement sensible. Un système CVC mal pensé peut conduire à :

  • Des taux d’humidité trop élevés, favorisant moisissures et acariens.
  • Une accumulation de CO₂, source de maux de tête, fatigue et baisse de concentration.
  • Une concentration excessive de COV émis par les meubles, peintures, produits ménagers.

Pour éviter ces dérives, la tendance est d’aller vers des systèmes pilotés par la demande réelle : capteurs d’occupation ou de CO₂ qui modulent les débits de ventilation, programmation des températures pièce par pièce, gestion centralisée via une box domotique. Ces technologies permettent :

  • D’assurer un renouvellement d’air suffisant lorsque le logement est occupé.
  • De réduire les débits (et donc les pertes de chaleur) lorsque les pièces sont inoccupées.
  • D’équilibrer les besoins de confort et de santé avec les impératifs de sobriété énergétique.
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Stratégies de conception CVC pour une maison saine RE2020

Pour les professionnels comme pour les particuliers accompagnés dans leur projet, quelques bonnes pratiques se dégagent pour concilier exigences RE2020 et bien-être intérieur :

  • Penser l’enveloppe avant le système : une isolation performante, une bonne inertie et une conception bioclimatique réduisent les besoins de chauffage et de climatisation, facilitant le choix de systèmes CVC plus sobres et plus simples.
  • Favoriser la ventilation double flux lorsque cela est pertinent
  • Récupération de chaleur performante.
  • Meilleure maîtrise des débits.
  • Possibilité de filtrer finement l’air neuf.
  • Privilégier les systèmes bas carbone : PAC, bois performant, réseaux de chaleur alimentés par des ENR, tout en vérifiant leur compatibilité avec les besoins réels de la maison et le mode de vie des occupants.
  • Intégrer le confort d’été dès le début du projet : protections solaires, orientation des baies, surventilation nocturne, ventilation modulable, pour limiter le recours à la climatisation.
  • Prévoir un entretien simple et régulier : accès aux filtres, aux caissons de VMC, aux unités intérieures et extérieures des PAC, afin de maintenir dans le temps les performances énergétiques et la qualité de l’air.
  • Informer les occupants sur le fonctionnement des systèmes CVC : réglages de base, gestes de ventilation, changement des filtres, à quelle fréquence et pourquoi.

Une maison saine conforme à la RE2020 ne repose plus uniquement sur un « bon chauffage » ou une « bonne VMC ». Elle exige une approche globale, où architecture, enveloppe, choix des équipements et modes de vie s’articulent pour offrir un air intérieur de qualité, un confort thermique tout au long de l’année et une consommation d’énergie maîtrisée.

Pour les concepteurs comme pour les habitants, la réglementation RE2020 devient alors une opportunité : celle de repenser les systèmes CVC non plus comme de simples équipements techniques, mais comme des outils au service du bien-être et de la santé dans l’habitat.

leo